Paul, 14 ans, vient me voir car ses notes ont chuté, et qu’au conseil de classe ses professeurs ont demandé une évaluation psychologique, s’inquiétant qu’il soit dépressif. Paul ne sait pas trop pourquoi ils pourraient penser qu’il est dépressif. Paul m’explique que depuis son accident il y a 4 mois, il a toujours des douleurs au dos et à la nuque et qu’il dort très mal : quelques heures par nuit, avec de nombreux réveils. Il est épuisé (qui ne le serait pas ?), décroche en cours, s’endort même parfois en cours, et a beaucoup de mal à se concentrer et rattraper ses cours.
Paul a eu un grave accident de ski : il a failli mourir, et s’en est sorti avec « presque rien ». Il a eu 6 semaines de minerve avec une immobilisation totale, est encore suivi 3 fois par semaine en kinésithérapie. Le chirurgien, le médecin, le kiné disent tous qu’il est guéri, et qu’il peut reprendre le sport depuis quelques semaines. Mais Paul a encore mal, il a perdu tous ses muscles et n’a plus d’endurance, et au bout de 30 minutes de ski il arrête. Il dit qu’il sent bien que quelque chose ne va pas. Ses parents, très sportifs également, ne comprennent pas et ne le croient plus. Ils l’incitent à sortir, faire du sport, lui coupent tous les écrans peu à peu.
Quand j’explore avec Paul comment se passent ses nuits et qu’il me raconte l’accident, Paul me dit que c’est un miracle qu’il ait survécu. D’après l’équipe médicale, n’importe quel autre ado serait mort ou tétraplégique, mais Paul a eu la chance d’être ultra sportif et donc particulièrement musclé. La nuit, Paul se réveille en se revoyant allongé sur la neige, le regard fixe dans les nuages… alors il se lève, va voir sa chienne et lui faire des câlins… pour ne pas y penser.
J’explique à Paul qu’il a eu une peur immense, et que cette peur tant qu’elle n’est pas entendue se manifeste à lui inlassablement, de plus en plus fort et qu’il va donc falloir affronter cette peur. Un peu comme les fantômes qui poursuivent les héros dans les films : le héros court de plus en plus vite, toujours rattrapé par le fantôme, sans jamais arriver à le semer – puis quand enfin le héros se retourne, prêt à en découdre, alors le fantôme disparaît. Nous commençons l’exercice en séance, et je lui demande de le poursuivre à la maison.
En parallèle, je demande à sa maman de lâcher du leste sur le sport, car on sait bien qu’avec les ados plus on pousse plus ils résistent.
Quand je revois Paul 2 semaines après, il n’a plus fait un seul cauchemar. Aucun ! Et il ne se l’explique pas. Il a fait l’exercice à la maison tous les jours, sauf les 2 derniers : il n’y a plus pensé. Je lui explique que sa peur était comme un signal qui se présentait dans un système informatique, jusqu’à ce qu’il soit traité par le système : une fois qu’il a été traité le signal disparaît.
Paul a repris le tennis mercredi dernier, la première fois depuis septembre, et il me dit avoir prévu d’aller skier samedi.
Sa maman me confirme qu’il ne les a pas réveillés une seule fois en 15 jours, et qu’il est retourné au sport, de son initiative. Elle est toujours inquiète pour ses notes – mais ça c’est une autre histoire ! – même si elle sait qu’il faut lui faire confiance, et que le fait qu’il retrouve le sommeil devrait permettre au reste de se remettre en place.